L’Apôtre Pierre : reniement et repentir

A la fin du repas de la Pâque, Jésus dit avec tristesse : «en vérité Je vous le dis, l’un de vous Me trahira» (Mt 26,21). Les disciples se troublèrent. Ils L’aimaient sincèrement, mais chacun, intuitivement, comprenait que de l’amour à la trahison, il n’y a qu’un pas, et que ce pas peut être franchi sans même qu’on le remarque…

«N’est-ce pas moi, Seigneur? N’est-ce pas moi?» — demandèrent Philippe, Jean, Mathieu... «N’est-ce pas moi?» — demanda Judas. Il semble qu’un seul des apôtres ne posa pas cette question : Simon, qui pour la fermeté de sa foi avait reçu du Seigneur le deuxième nom de Cephas (pierre, en araméen), ou, en grec, Petros (πέτρος «pierre, rocher»). Pierre était certain de ne pas trahir le Maître. Lorsque Jésus prévint les disciples qu’ils allaient tous douter de Lui cette nuit, Pierre s’écria : «Moi, je ne douterai jamais!» A son grand étonnement, il entendit cette réponse : Je te le dis en vérité, cette nuit même, avant que le coq chante, tu me renieras trois fois.  (Mt 26, 33-34).

Ensuite, il y eut la prière à Gethsémani et l’arrestation du Maître. On Lui lia les mains et on le conduisit, en le poussant dans le dos, jusqu’à la maison de l’ancien grand prêtre, Anne. Pierre et Jean s’élancèrent à sa suite. Il leur fut facile de rentrer dans la cour : on y connaissait Jean. Jésus fut emmené dans la maison, mais Pierre s’assit dans la cour, près du feu, et attendit. Soudain, une servante le montra du doigt en disant : «Regardez, celui-ci faisait partie de Ses disciples !» «Pas du tout», — marmonna Pierre en s’éloignant un peu du feu. Mais une autre femme affirma : « C’est vrai, je l’ai vu avec Jésus». «Je vous dis que je ne connais pas cet homme», — nia Pierre. «Ton accent galiléen te trahit, tu es son disciples !» — rirent encore quelques personnes. «Je jure que non !» — protesta Pierre.

Et soudain, il se rendit compte de ce qu’il était en train de faire… une tragique erreur ! C’était comme s’il avait senti un regard sur lui. Et il se souvint : «Avant que le coq n’ait chanté, tu M’auras renié trois fois».

A ce moment-là, on entendit un coq chanter. Un nouveau jour se levait, on était vendredi, quelques heures plus tard le Maître serait crucifié.

Pierre se jeta hors de la cour. Etranglé par les larmes. « N’est-ce pas moi, Seigneur ? N’est-ce pas moi ?»

Pierre était le chef des apôtres. Cela se voit dans les détails des récits évangéliques : Pierre va pécher du poisson, les autres le suivent. Pierre confesse le Christ, Fils de Dieu, les autres attestent en silence.

En homme accompli qui avait passé sa vie dans le labeur physique, il n’était pas habitué à s’examiner et, visiblement, il était certain d’être capable d’agir convenablement dans n’importe quelle situation. Il n’imaginait pas que son amour ardent et sa fidélité au Seigneur pourraient chanceler.

Et pourtant le reniement eut lieu. Presque malgré lui, par hasard. On aurait pu considérer cela comme un moment de faiblesse ou la manifestation de l’instinct de conservation. Mais c’était tout de même un reniement. L’espace d’un instant, Pierre avait accepté la pensée qu’il valait mieux, qu’il était plus correct et plus sûr de prendre ses distances avec le Christ, de ne rien avoir en commun avec Lui, au moins aux yeux de ceux qui l’entouraient. Et cela, c’était un crime contre l’amour, qui lie les personnes, les unit et n’admet pas de distance entre soi-même et l’être aimé.

Ce n’est pas sans raison si, sur les rives du lac de Tibériade, le Christ ressuscité demandera trois fois au disciple qui L’a renié : M’aimes-tu ? (Jn 21, 15-17).

Pierre se repentit presque aussitôt, mais la pénitence, qui est un changement d’actes, de comportement, exigea plus de temps. Pierre n’est pas présent au Golgotha : de tous les apôtres, nous n’y trouvons que Jean. Nous ne savons pas ce que Pierre fit le samedi, alors que le corps du Seigneur reposait « au cœur de la terre ». Mais le lendemain matin, Pierre, à peine avait-il appris que le Corps du Seigneur n’était plus dans le tombeau, courut immédiatement avec Jean sur le lieu de l’ensevelissement. Il n’y trouva que les bandes qui étaient à terre, et le linge qu'on avait mis sur la tête de Jésus (Jn 20,5). Cet empressement est le signe de son repentir : car il eût été plus sage de rester à la maison, les grands prêtres auraient pu décider de s’occuper de Ses disciples après avoir réglé Son compte à Jésus. Mais Pierre courut sans hésiter sur le lieu où, peu de temps auparavant, se tenaient des gardes.

Dans la nuit précédant les souffrances du Christ sur la Croix, Pierre ressembla à Judas Iscariote. Pourtant, à la différence de Judas, il se repentit. Et il renonça à la certitude que jamais il ne trébucherait. La Tradition dit que Pierre avait toujours les yeux rouges : chaque fois que le coq chantait, il se souvenait de son reniement et pleurait.

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