Dans la vie de l'Eglise, les meilleurs moments sont les temps de persécutions

Sa Béatitude Onuphre, Métropolite de Kiev et de toute l'Ukraine

Les périodes les plus terribles pour l’Eglise sont les temps de paix. Nous vivons actuellement une période de croissance vers un âge plus adulte.

Pour nous chrétiens, le sol, sous nos pieds, ressemble à un marécage. Nous sommes obligés de faire des efforts, d’aller de l’avant, car si nous restons au même endroit, il est certain que nous allons nous enfoncer. Sans qu’il le remarque, le chrétien qui reste immobile descendra toujours plus bas, jusqu’à ce qu’il s’étouffe dans sa propre insensibilité. C’est ce qui caractérise les temps de paix. Cela concerne aussi bien le clergé que les laïcs. On s’aigrit de l’intérieur sans le savoir. La prière du matin et la prière du soir grincent comme un vieux plancher. Sans l’huile de la grâce, l’âme grince, puis meurt, comme une vieille dame quinteuse.

Ce n’est pas pour rien si l’essor du monachisme est né au moment où la foi orthodoxe cessa d’être une chose interdite. A cette époque, au lieu du rugissement des fauves dans les théâtres romains et du sang des martyrs, on entendait cliqueter l’or dans la bourse des évêques. Le salaire alléchant des clercs attirait des hommes prêts à suivre le Christ, plutôt dans le but d’avoir une carrière ecclésiastique que par amour pour Lui. C’est alors que le sang des véritables chrétiens se mit à couler silencieusement dans les déserts d’Egypte et de Syrie. L’exploit du martyre fut remplacé par celui de la crucifixion de la chair avec ses passions et ses concupiscences. Le mariage entre l’Eglise et l’Etat produit toujours des enfants difformes : c’est une loi valable pour tous les temps.

Quand le degré d’anticléricalisme créé par la société atteint de tels sommets que, dans l’Eglise, seuls restent ceux qui placent la foi en Dieu au-dessus de toutes les autres priorités de la vie, c’est autre chose. Les carriéristes de l’Eglise, ceux qui, dans l’Eglise, ne recherchent que profit, notoriété, vénération d’eux-mêmes, qui aiment «présider les réunions» et «que les gens disent du bien d’eux», finissent par partir ailleurs. Ainsi, l’Eglise se purifie de tout ce qu’elle contient de non authentique.

Et cela est formidable. Le Christ a déterminé précisément le paradigme de la relation entre l’Eglise et le monde : «S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi», «le monde m’a haï et vous haïra aussi» et même «en vous tuant, ils penseront qu’ils feront une chose agréable à Dieu». Dès que le monde commence à nous aimer, nous cessons d’être des serviteurs du Christ pour devenir esclaves du monde, et c’est là la chose la plus terrible qui puisse nous arriver.

Quand je regarde mon iconostase domestique, je n’y vois pas un seul homme qui aurait vécu une vie pieuse « stagnante » et qui serait entré dans le Royaume de la lumière. Sur chaque icône, c’est un martyr qui me regarde, sanglant ou non. Nous connaissons bien l’algorithme de l’« oeuvre » du diable contre l’Eglise. Il est simple jusqu’à la naïveté, et par là-même, extrêmement efficace. Dans les premiers temps de la chrétienté, satan criait dans les médias de l’époque, que «les chrétiens sont des pervers et des cannibales», que « durant leurs assemblées, ils sacrifient de jeunes enfants, boivent leur sang et ensuite commettent la luxure ».

Assurément, comment, après cela, ne pas livrer les chrétiens aux lions de l’amphithéâtre ? Il y a cent ans, satan enseignait de nouveau que les chrétiens ont «un clergé réactionnaire», que ce sont des «complices de l’impérialisme» et «des ennemis de la révolution». D’après le témoignage de ses contemporains, la seule mention de l’Eglise et du Christ rendait Lénine furieux. Vingt ans plus tard, on fusillait le clergé pour les motifs suivants : «liens avec les contre-révolutionnaires», «collaboration avec l’espionnage étranger», «organisation de rassemblements ayant pour objet le renversement du pouvoir soviétique», «complicité avec les services spéciaux occidentaux». Au seuil du XXIème siècle, les arguments de satan sont toujours les mêmes : «agents du Kremlin», «membres du KGB», «complices de l’agresseur». Le disque n’a pas changé et on reconnaît l’écriture.

Pourtant, les véritables chrétiens ont vécu, vivent et vivront d’une seule chose : le Christ et l’Evangile. Certes, on peut les calomnier, les tuer, les mettre en prison, comme cela s’est produit plus d’une fois dans l’histoire, mais ils continueront d’aimer Dieu, l’Eglise et leur pays. Parce que, comme Dieu, ils n’en ont qu’un seul.

Les périodes de persécution sont les plus profitables pour l’Eglise. Dans ces moments-là, une seule chose suffit : rester fidèle à Dieu et à notre mère l’Eglise. En réalité, tout dans ce monde est très simple. Parce que Dieu lui-même est simple. Dans le monde, il y a le bien et le mal. Il y a l’Amour Universel aussi bien que la Haine. Le Sauveur nous a donné son commandement d’amour. Tout ce qui s’accompagne d’amour, de lumière, de bonté, de miséricorde, de compassion, prend sa source, d’une façon ou d’une autre, en Dieu. Parce qu’Il est Bon. Tout ce qui s’accompagne de haine, de destruction, de guerre, d’appel au meurtre, de soif de mort, trouve son origine dans l’enfer, indépendamment des motivations et des intentions dont satan déguise le mal. Notre vraie patrie est le Royaume de Dieu, et nous devons faire beaucoup d’efforts afin d’obtenir notre passeport pour l’éternité.

Ce que nous vivons en ce moment, en réalité, n’est qu’un processus de croissance vers un âge plus adulte. On ne trouve jamais de dynamique de croissance dans une zone de confort. Cela concerne n’importe quel système, quel qu’il soit. La croissance n’est possible que grâce à l’effort et à une conjoncture difficile, dans les circonstances les moins favorables. C’est alors que se révèlent les réserves intérieures, que l’on reçoit une nouvelle expérience, « à la patience la piété, à la piété l'amour fraternel, à l'amour fraternel la charité…Mais celui en qui ces choses ne sont point est aveugle…C'est pourquoi, frères, appliquez-vous d'autant plus à affermir votre vocation et votre élection; car, en faisant cela, vous ne broncherez jamais. » (2 Pierre 1, 6-10)

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