Les saints en voyage

Voyager, c’est aller à la rencontre du monde. Il y a toujours des dangers, des risques, des obstacles et des difficultés, mais malgré cela, quelque chose nous pousse sans cesse à sortir du périmètre de notre chambre.
Les vies de saints contiennent quantité de récits de voyages.

Les mobiles diffèrent : un saint voyageur cherche la justice parmi les hommes, parcourant le monde pour y trouver la perfection spirituelle ; un autre cherche à augmenter son savoir, effectuant des stages d’étude ; enfin, certains effectuaient des voyages sans retour, qui les menaient sur le lieu de leur exécution.

VOYAGES MISSIONNAIRES

En l’an 34 après Jésus Christ, sur la chemin de Damas, où le Christ se manifesta à lui, Paul, le persécuteur convaincu des Chrétiens, en devint l’un de leurs principaux prédicateurs. Homme déterminé et fougueux, il ne pouvait s’empêcher d’aller à la rencontre du monde pour y prêcher le christianisme.

L’Apôtre, en trente ans de ministère, avait séjourné, entre autres, sur le territoire de l’actuelle Turquie, sur de nombreuses îles de la Mer Méditerrannée, en Macédoine, en Grèce, en actuelle Italie. Partout, il prêchait, créant des communautés chrétiennes, au mépris des dangers et des douleurs infligées par les coups et les arrestations. Se déplaçant sans arrêt d’un endroit à un autre, le saint écrivait des lettres aux communautés chrétiennes, fortifiant la foi dans les cœurs.

En Liconie, un malentendu se produisit, avec Paul et son disciple Barnabé. L’apôtre guérit un homme qui ne marchait pas depuis sa naissance. Les païens du lieu furent si frappés par ce qui s’était accompli qu’ils crièrent : «Les dieux sont venus à nous sous apparence humaine !» Ils avaient décidé que Paul était le dieu Hermès. Le prêtre local préparait déjà des bœufs pour les apporter en sacrifice à Barnabé et à Paul, mais les apôtres, de longue lutte, réussirent à les arrêter.

La visite d’Ephèse, l’un des centres païens de l’époque, fut également remarquable. Dans cette ville se trouvait un énorme temple dédié à la déesse Artémis d’Ephèse. La prédication de l’Apôtre fut si extraordinaire, que tous les sorciers, ensemble, brûlèrent leurs propres livres et se convertirent au christianisme.
 
VOYAGE A SENS UNIQUE

Le saint martyr Ignace le Théophore (I — déb. IIe siècle ) était évêque d’Antioche — l’une des plus grandes villes de l’antiquité, quand l’empereur Trajan entama sa courte mais cruelle persécution contre les chrétiens. Ignace fut arrêté et condamné à subir la peine de mort à Rome. L’évêque accepta avec joie de devenir martyr pour le Christ, et partit avec une escorte, faire son dernier voyage, de la Syrie vers la capitale de l’empire.

Le chemin de croix du martyr partait d’Antioche et parcourait une distance immense, par la mer et à travers une partie de l’Asie Mineure. Le voyage vers l’exécution se transforma en une véritable aventure durant laquelle Ignace rencontra chrétiens et prêtres. L’évêque fortifiait les faibles, encourageait le clergé, encourageant tous à vivre dans la paix et l’unité. En route, Ignace écrivit des lettres admirables à certaines églises chrétiennes locales. Toutes ses lettres, emplies de l’esprit de la foi inflexible du saint, sont parvenues jusqu’à nous.


 
Les chrétiens de Rome accueillirent avec douleur le saint prisonnier. Les païens remplirent les tribunes du grand Colisée afin de se délecter du futur spectacle. Les lions affamés tournaient dans leurs cages. Du beau milieu de l’arène, au milieu des hurlements de la foule assoiffée de sang, le saint martyr s’écria : — « Romains, regardez mon exploit ! Vous savez que ce n’est pas à cause d’un crime que je reçois ce châtiment, que ce n’est pas pour un manque à la loi que je suis condamné à mort, mais pour mon Dieu Unique, dont l’amour m’enveloppe… Je suis un grain de blé moulu entre les dents des bêtes afin d’être pour Lui un pain pur ! »

Son voyage était achevé.
 
VOYAGES A LA RECHERCHE DE LA SAINTETE

Les grands ermites, atteignant par leurs exploits des hauteurs spirituelles incroyables se posaient souvent cette question prudente : ne suis-je pas dans l’illusion ? Ne tombé-je pas dans l’orgueil et le phantasme, ne me placé-je pas plus haut que les autres mortels ? Ayant conscience du danger spirituel qui les guettait, ces « athlètes de l’esprit » partaient en voyage à la recherche de la sainteté.

Ainsi, par exemple, Antoine le grand, apprit-il que dans la ville, il y avait un médecin qui «donnait son superflu aux pauvres et chaque jour chantait avec les anges », et il se rendit auprès de lui pour apprendre.

L’un des plus étonnants de ces voyages fut accompli par abba Zosime, qui vécut aux Ve-VIe siècles. D’après la Vie de ce saint, dans la 53è année de sa vie, il se posa la question: -« Trouverai-je dans le désert une personne qui me surpasse?» Un ange répondit à l’ermite, lui proposant de se rendre au monastère du Jourdain, pour y trouver la réponse à sa question. C’est donc ce que fit le saint moine.

En voyageant dans le désert, il rencontra une femme solitaire qui s’avéra mener une vie ascétique des plus austères. Elle s’appelait Marie (l’Egyptienne). Elle lui raconta sa vie, les exploits qu’elle avait accomplis dans le désert durant quarante-sept ans. A la fin de son histoire étonnante, Marie lui demanda de revenir dans un an pour lui porter la communion. Zosime réalisa son voeu, puis, après sa mort, avec des larmes, il enterra la grande ascète, et apprit aux moines du monastère du Jourdain quel exemple d’exploit spirituel élevé il avait trouvé lors de ses voyages à la recherche de la sainteté.

STAGE D’ETUDES

Le bienheureux Jérôme de Stridon, qui vécut aux IV-Ve siècles, était un homme très assoiffé de connaissances. Il avait la plus grande vénération, non seulement pour les auteurs chrétiens, mais aussi profanes et païens. Dans sa jeunesse, il aimait beaucoup les auteurs latins et les poètes. Plus tard, le saint eut même à se repentir de ce qu’après son baptême, il plaçait Cicéron plus haut que l’héritage chrétien et que les Saintes Ecritures.

Le bienheureux Jérôme fit un stage à Rome où il étudia la langue grecque et la philosophie, puis en Gaule (actuelle Allemagne), où il commença sa carrière. Devenu moine, le saint partit pour le désert de Chalcis de Syrie qui attirait alors de nombreux ermites. Là, il chercha, non seulement la perfection spirituelle, mais la croissance intellectuelle. Approfondissant son étude de l’Ecriture Sainte, il recopiait les manuscrits théologiques en langue grecque. En outre, le moine assoiffé de savoirs trouva dans le désert un moine juif converti au christianisme qu’il persuada de lui donner des leçons d’hébreu.

Plus tard, le bienheureux Jérôme arriva à Constantinople, le centre intellectuel florissant de l’empire. Il avait besoin d’un conseil professionnel pour la poursuite de ses travaux sur les textes bibliques et bientôt, il rencontra saint Grégoire le Théologien, qui pour quelque temps devint son maître.

Vers la fin de sa vie le saint retourna en Palestine. Là, dans la solitude, loin de l’agitation du monde, Jérôme accomplit son projet principal : la traduction de l’Ecriture Sainte de l’hébreu en latin.

Toute l’expérience et la connaissance qu’il avait acquises dans les nombreux stages d’études du saint furent mises à contribution pour ce travail long et minutieux qui entra dans l’histoire sous le nom de Vulgate.

Cicéron dut céder sa place…
 
VOYAGES D’AFFAIRES

Saint Alexis de Moscou (1292/1305—1378 ) devint métropolite dans des conditions difficiles pour la Russie. Conditions politiques incommodes : la dépendance de la Horde d’Or, jeu diplomatique difficile avec l’Occident. Le système gouvernemental lui-même, tout nouvellement  installé, tend à s’effriter. Le métropolite toute sa vie, ne fit pas que résoudre des problèmes religieux. En tant que personnage diplomatique, il participait sans cesse à la résolution de différents conflits de politique extérieure.

En d’autres termes : toute sa vie, le saint métropolite dut accomplir des voyages d’affaire.

Le métropolite Alexis se rendit plusieurs fois à Constantinople, où il concluait des accords religieux importants. Il se rendit aussi à Kiev et en Lituanie. Un jour, le saint faillit mourir dans une tempête sur la Mer Noire. Une autre fois, il fut fait prisonnier, mais réussit à s’échapper.

Le voyage diplomatique le plus difficile pour le métropolite fut effectué en août de l’année 1357. La femme du khan Taïdul était tombée gravement malade et avait perdu la vue. Ayant entendu parler de la grande force spirituelle du métropolite Alexis, le khan envoya une ambassade à Moscou avec une lettre au grand prince où il disait que si par les prières du saint homme sa femme ne recouvrait pas la vue, le royaume serait détruit. L’enjeu était extrême.

Le 18 août 1357, le saint métropolite quitta Moscou. Une fois dans la Horde d’Or, après avoir célébré un moleben sur la malade, le métropolite Alexis l’aspergea d’eau bénite, et elle recouvra la vue. L’enjeu risqué du voyage avait été atteint.

VACANCES

Le 24 juillet 1864, le protoprêtre Ioann Serguiev, que nous connaissons aujourd’hui comme Jean de Cronstadt, quitta le quai de la ville de Rybinsk pour voyager sur la Volga « dans le but de se reposer de de contempler les paysages de la Volga». Le saint monta sur le pont du bateau à vapeur «L’Intrépide», sur lequel deux années plus tôt l’empereur Alexandre III avait navigué, et partit en croisière sur la route fluviale principale de la Russie européenne. Pourtant, même en voyage, Jean de Cronstadt n’interrompit pas son ministère.

Le prêtre visita Kostroma, Iurevets, Saratov, Kazan, et bien d’autres villes.

Partout, les gens affluaient pour voir le saint, lui présenter leurs soucis et leurs angoisses. L’arrêt dans le village de Bor, en face de Nijni-Novgorod, fut particulièrement remarquable. La nouvelle de l’arrivée du pasteur bien-aimé se répandit dans les alentours en un clin d’œil. Une foule immense accourut. Il fallut affréter un bateau pour que ceux qui le souhaitaient puissent approcher L’Intrépide. Le père Jean monta sur ce bateau pour rencontrer les fidèles.

— Quelle beauté! — dit-il alors — quelle quantité d’eau ! Je contemplai longtemps Nijni Novgorod et aujourd’hui je ne peux la quitter des yeux.

Par la suite, Jean de Cronstadt effectua encore trois fois la même croisière. A chaque fois ce fut la même chose : une foule nombreuse, des entretiens avec le clergé local, des liturgies somptueuses, des confessions, la visite de monastères et d’orphelinats, l’accueil chez des personnalités.

 

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