Résultats de la visite du patriarche Bartholomée en Ukraine pour l'Orthodoxie

Le patriarche Bartholomée sur la plate-forme pour les invités VIP lors des célébrations de la fête de l'indépendance de l'Ukraine

Pourquoi le chef du Phanar est-il venu en Ukraine en 2021 et quelle est la signification de cette visite pour l'Orthodoxie mondiale?

Le résultat le plus important de cette visite est montré sur la photo illustrative qui illustre cet article. On y voit le patriarche Bartholomée sur la plate-forme pour les invités VIP lors des célébrations de la fête de l'indépendance de l'Ukraine. Il est à côté du chef du Conseil national de sécurité et de défense Danilov, du président du Parlement Razoumkov, d'invités étrangers de marque - les présidents de la Lettonie et de l'Estonie, et il a l'air très heureux. Et compte tenu de la façon dont le chef du Phanar a planifié et passé son temps en Ukraine, on peut affirmer que le but principal de son voyage dans notre pays n'était pas l'enseignement du peuple de Dieu dans la foi chrétienne, ni la prédication pastorale, ni la pacification, mais le renforcement de ses positions parmi les élites politique et laïque. Cet objectif a-t-il été atteint ? Parlons de tout cela dans l'ordre.

Le chef du Phanar est arrivé à Kiev sous le couvert de la nuit et il est reparti sous le couvert de la nuit. Certains y verront une sorte de symbolisme sombre, d’autres non, et chacun aura raison à sa manière. La visite de « sa divine toute sainteté » est terminée, et il est temps de faire le point.

Résultats pour le Phanar

Le patriarche Bartholomée a été reçu au plus haut niveau : le Président, le Premier ministre et le Président du Parlement. Ils ont prononcé beaucoup de belles paroles, mais sans résultats. Il faudrait considérer non seulement ce qui s'est passé pendant la visite, mais aussi ce qui n’a pas eu lieu.

Premièrement, certaines entités ont été transférées au Phanar en tant que stauropégie. Rappelons qu'il y a plus de deux ans, alors que beaucoup pensaient que le projet de « l’Église orthodoxe d’Ukraine » du Patriarcat de Constantinople, l’EOdU, serait couronné de succès, le président du parlement de l'époque, Andriy Parubiy, a annoncé la possibilité de transférer environ 20 des plus anciens monastères au Phanar, dont la laure des Grottes de Kiev, la confrérie de l'Assomption à Lviv, le monastère Mezhyhirsky Preobrazhensky, la confrérie de l'Épiphanie de Kiev et le monastère Manyavsky. Maintenant, on n'en parle même plus. Probablement, la position des autorités ukrainiennes sur cette question se résume à : « Dites merci pour l'église Saint-André ».

Deuxièmement, le président de l'Ukraine n'a remis aucune récompense d'État au patriarche Bartholomée. Il y a eu des mots de gratitude pour "le soutien personnel inconditionnel à la souveraineté, à l'intégrité territoriale de l'Ukraine et à son indépendance", pour "les prières constantes pour la paix dans notre pays", il a même été dit que la visite a lieu "l'année de la 30e anniversaire de votre élection comme Patriarche œcuménique" (citations du site Internet du Président) et en même temps aucune récompense ni même un cadeau. Selon toutes les règles de l'étiquette diplomatique internationale, V. Zelensky était obligé de récompenser le patriarche Bartholomée, mais il ne l'a pas fait. Et ce n'est pas un oubli du service protocolaire. Dès le lendemain du jour de l'indépendance, V. Zelensky a remis des prix d'État prestigieux à tous les présidents et premiers ministres qui sont venus à l'événement de « La plate-forme de Crimée ». L’absence de récompense du patriarche Bartholomée était un signe envoyé et reçu. Mais les ennuis pour le chef du Phanar ne s'arrêtent pas là.

Troisièmement, le patriarche Bartholomée n'a pas été invité à l'événement traditionnel de la "Bénédiction de l'Ukraine", qui se tient chaque année sur le territoire de Sainte-Sophie de Kiev le jour de l'indépendance. Encore une fois, selon les règles de l'étiquette diplomatique, ils se devaient de l'inviter. Le patriarche Bartholomée était arrivé en Ukraine à l'invitation du président, cet événement est de nature religieuse, Sergueï (Epiphane) Doumenko y était présent, l'arrivée du chef du Phanar a été qualifiée d'événement marquant pour le pays. Tous les arguments étaient en faveur de l’invitation de "sa sainte sainteté divine", mais il a été laissé à l'hôtel (appartements attribués). Toutefois, le plus désagréable pour le chef du Phanar n'est même pas l'absence d'invitation, mais le fait que cela ait été fait à la demande de l’Église orthodoxe ukrainienne. Le métropolite Anthony (Pakanich) de l’Église orthodoxe ukrainienne, métropolite de Boryspil et Brovary, a déclaré : « C'était la position et la condition de notre Église, dont j'ai parlé plus tôt dans mes commentaires précédents. A savoir que l'Église orthodoxe ukrainienne ne participera pas à l'événement à Sainte-Sophie si le patriarche Bartholomée est là. » Cette exigence est la seule raison de la non-participation du patriarche Bartholomée à cet événement. Et il l'a parfaitement compris. Et bien que le porte-parole de l’EOdU Ivan (Evstratiy Zorya) ait essayé de convaincre tout le monde que l'événement n'était pas organisé par le bureau du président, mais par le Conseil panukrainien des églises et des organisations religieuses, ces arguments sont pour le moins cocasses.

Quatrièmement, dans le discours du Président à l'occasion du 30e anniversaire de l'Indépendance, il n'était fait mention ni de Constantinople ni même l’EOdU. A l'époque du précédant président Porochenko, une telle ignorance aurait été inimaginable. Souvenons-nous de ses discours : là-bas l’EOdU a toujours été mentionnée comme la base de l'État. Et maintenant, P. Porochenko n'a pas été mentionné parmi les présidents de l'Ukraine aussi comme V. Ianoukovitch, renversé en février 2014 lors d'un coup d'État.

Cinquièmement, à l'exception du service dans la cour de Sainte-Sophie de Kiev, aucun événement incluant la participation du peuple n’a pas été organisé pour le patriarche Bartholomée. Plus précisément, un tel événement a été organisé par l'Union publique "Laïcs", lorsque plus de 10 000 personnes se sont réunies pour rencontrer le patriarche Bartholomée près du Parlement (Verkhovna Rada) à Kiev, mais le patriarche Bartholomée a refusé d'y participer.

A tout cela, on peut aussi ajouter l'état lamentable du projet de l’EOdU dans lequel de si grands espoirs ont été placés à ses débuts. Il n'est plus question qu'aucun des évêques de l’Église orthodoxe ukrainienne n’aille à l’EOdU, il est déjà clair qu'il n'est pas possible de transférer une partie significative des paroisses à l’EOdU, et cette organisation elle-même est hantée par une série de scandales : il y a une nouvelle scission de Filaret avec la réanimation de son «Patriarcat de Kiev », une confrontation entre deux « hiérarques » de Kharkiv de l’EOdU avec la saisie de paroisses l'une de l'autre, un scandale sexuel avec le « métropolitain » Alexander Drabinko et d'autres « choses intéressantes ». Tout cela est connu du patriarche Bartholomée, ainsi que le fait que l’EOdU a décidé de ne pas organiser de procession religieuse à part entière cette année le jour du baptême de la Russie, afin de ne pas déshonorer son petit nombre dans le contexte de la de Grande Procession de l’Église orthodoxe ukrainienne qui comptait 350 000 personnes.

Ainsi, les résultats de la visite du patriarche Bartholomée pour lui-même ne sont pas particulièrement joyeux, ce qui se voit sur son visage lors de courtes négociations d'adieu avec D. Shmygal :



Résultats pour l'Orthodoxie

La visite en Ukraine aux yeux du monde orthodoxe a confirmé et approuvé l'agenda que le Phanar impose à ce monde. Il se compose de trois points : la reconnaissance de la suprématie du Patriarche de Constantinople, la reconnaissance de son « Église orthodoxe d’Ukraine », et l’union avec les catholiques. Ces trois éléments se sont clairement manifestés lors de la visite et chacun a pu comprendre que ces éléments n'existent pas séparément les uns des autres, ils sont tous les composants, comme on dit maintenant, d'une seule contingence. Il est impossible de reconnaître « l’Église orthodoxe d’Ukraine » phanarienne, en désaccord avec la suprématie du Phanar, et s’il on la reconnait, il est impossible de se dissocier de l'union avec les catholiques.

Le patriarche Bartholomée a de nouveau concélébré la Divine Liturgie avec des personnes qui n’ont pas de dignité de sacerdoce. L'explication de cela aux yeux du reste des Églises orthodoxes locales est simple : le sacerdoce de Sergueï (Epiphane) Dumenko et d'autres « hiérarques » de l’EOdU existe en raison du fait qu'il a été déclaré par le Patriarcat de Constantinople. Et les Églises orthodoxes locales décident elles-mêmes de reconnaître ou non une telle déclaration. Si elles le reconnaissent, alors elles reconnaissent par là que le chef du Phanar a des pouvoirs exclusifs spéciaux, ou en d'autres termes, elles le reconnaissent comme le chef de l'Orthodoxie. En fait, le patriarche Bartholomée lui-même l'a mentionné lors d'une réception à l'Académie Mohyla de Kiev, en affirmant que les Églises locales ont un chemin vers l'unité - c'est la reconnaissance de l’EOdU : «Seule la reconnaissance de l'autocéphalie ukrainienne par toutes les Églises orthodoxes, et aucune autre position ... contribuera à l'unité pan-orthodoxe ».

Le 23 août 2021, le chef du Phanar a rencontré le Conseil panukrainien des églises et des organisations religieuses. La rencontre a eu lieu à l'initiative du patriarche Bartholomée lui-même, ce qui signifie qu'il n'y a pas été initialement invité. Lors de cette réunion, le patriarche Bartholomée a déclaré que les orthodoxes et les catholiques s'efforcent de rétablir l'unité dans la communion, et a également présenté au chef de l'Église gréco-catholique ukrainienne (EGCU) Svyatoslav Shevchuk une panagia avec sa signature. En réponse, il a appelé Constantinople son « église mère » et offert au chef du Phanar un ensemble de distinctions patriarcales : une croix, un encolpion et une panagia.

Tout cela a augmenté la probabilité que l'union naissante entre le Phanar et le Vatican soit d'abord testée en Ukraine avec cet EOdU et l'EGCU.

La visite du patriarche Bartholomée à Kiev, ses actions et déclarations ont confirmé que la reconnaissance de la suprématie du Phanar, la reconnaissance de l'EOdU et le rapprochement avec Rome sont présentés dans un seul paquet. Cela signifie que les Églises orthodoxes locales devraient réfléchir non seulement à la question de la reconnaissance de l'EOdU, mais aussi aux deux autres questions de cette affaire. À notre avis, cela réduit considérablement la probabilité que la reconnaissance de l'EOdU par les Églises locales se poursuive.

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