Dimanche du fils de la veuve Naïn. 20e semaine après la Pentecôte.

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit.

A travers les miracles du Christ, nous découvrons la relation riche et étonnante de Dieu avec notre terre et avec nous, les hommes. D’un côté, sa compassion – non seulement sa capacité d’aimer et d’avoir pitié de l’extérieur mais de souffrir avec nous, plus profondément que nous (car Il est d’une profondeur abyssale) de supporter la souffrance, le malheur et parfois l’horreur de notre vie terrestre.

Dans le récit d’aujourd’hui, nous entendons que le Christ a eu pitié de cette mère, veuve, qui avait perdu son fils unique ; une pitié douloureuse parce qu’Il n’a pas créé le monde ni l’homme pour cela, et la mère n’a pas mis au monde son fils pour qu’il meure prématurément. Dans cette pitié du Christ, dans cette compassion, cette capacité à porter avec nous nos propres souffrances, se révèle une des faces de la relation de Dieu avec nous et le monde. Par ailleurs, tous ces miracles, tout ce souci, cette angoisse pour le monde ne nous disent-ils pas que la terre est aussi chère à Dieu que le ciel ? Nous pensons toujours à Dieu comme s’Il était un dieu céleste, détaché de la terre. Ce n’est pas exact : la terre Lui est infiniment chère.

Un père de l’Eglise a dit que le nom de «Père » est plus significatif et juste concernant Dieu que le mot « Dieu ». En effet le mot « Dieu » se rapporte à l’indifférence, à la distance à ce que nous serions séparés de Lui par la nature, la sainteté ; le mot « Père » est synonyme de familiarité, de parenté. Ainsi, en Christ, Dieu se révèle à nous comme Père. Rien de terrestre ne Lui est indifférent ni étranger. Il a créé le ciel et la terre égaux, Il vit une vie aussi bien terrestre que céleste. D’abord par son amour créatif et sa direction et ensuite par l’incarnation du Verbe Divin la terre et le ciel se sont unis, Dieu et sa créature sont devenus parents, nous sommes devenus siens et Lui est devenu des nôtres. Le Christ nous est apparenté par son humanité, Il est notre frère et la relation de Dieu avec la terre doit être la nôtre : vigilante, attentive ; nous devons scruter le destin de la terre d’un amour attentif. Les œuvres de Dieu sur terre surpassent tout ce que nous pourrions entreprendre, tout ce que nous pourrions espérer faire, et pourtant, en nous et par nous Il accomplit des œuvres véritablement divines.

Dans le récit d’aujourd’hui nous entendons comment le Sauveur a ressuscité, a rendu la vie terrestre, a intégré dans la vie terrestre la joie d’un homme qui était passé par cette vie et l’avait quittée. Il a rendu à un être humain la vie, une vie temporaire, impétueuse, difficile, afin qu’il accomplisse quelque chose dans cette vie : non pas pour qu’il végète mais pour qu’il vive et agisse. A nous aussi, cela est donné, à condition que nous le désirions d’un cœur sincère, à condition que nous fournissions un effort créatif et parfois douloureux, de rendre la vie à des gens qui sont morts pour cette vie qui ont perdu espoir et continuent d’exister mais ne vivent plus, à des gens qui ont perdu la foi en Dieu, en l’autre, en eux-mêmes, et qui vivent dans l’obscurité et le désespoir. Il nous est donné de rendre la vie à ceux qui ont perdu la vie pour lesquels il ne reste qu’une existence morte, grise et terne. En cela nous agissons de concert avec Dieu ; et rendre la foi en lui-même, la foi en l’être humain, la foi en Dieu, la foi en la vie est aussi important que de lui rendre la vie comme l’a fait le Christ par ce miracle. Amen.

Mgr Antoine (Bloom) de Souroge

15 octobre 1972

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