Parabole du bon samaritain. 25e semaine après la Pentecôte.

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit!

Je voudrais attirer votre attention sur deux ou trois aspects de la parabole d’aujourd’hui. Il nous y est dit qu’un homme marchait de Jérusalem à Jéricho. Dans l’Ancien Testament, Jérusalem était le lieu où Dieu demeure: c’était le lieu où l’on vénérait Dieu, le lieu de la prière. Cet homme était en chemin vers le bas : depuis le mont de la vision, il descendait vers le lieu où s’écoule la vie humaine.

Sur ce chemin, on l’attaque, on lui prend ses vêtements, on le blesse et on l’abandonne sur le bord de la route. Trois hommes, l’un après l’autre, marchaient sur cette route. Tous trois avaient été là où Dieu séjourne ; ils avaient été sur le lieu où l’on sert Dieu, où on Le vénère, où on Le prie. Deux d’entre eux passent sans s’arrêter. Le texte décrit très clairement que le prêtre est simplement passé à côté : on ne nous dit même pas s’il a jeté un regard sur lui. C’était un homme aisé, il n’avait rien à voir (du moins le pensait-il) avec les besoins des hommes. Il n’a rien appris de la prière à Dieu qui est l’Amour même. Puis le suivant est passé, un Lévite, un homme instruit dans les Ecritures mais ne connaissant pas Dieu. Il s’est approché, s’est arrêté près du mourant blessé et a continué sa route. Son intelligence – lui-semblait-il – était absorbée par des choses plus élevées que la vie et la souffrance humaine.

Enfin, un homme est passé, une homme qui était objet de mépris aux yeux des juifs par sa vie même : non pas pour ses défauts personnels, moraux ou autres, mais simplement parce qu’il était samaritain, donc rejeté ; en Inde on l’aurait appelé paria. Cet homme s’est arrêté auprès du blessé parce qu’il savait ce que signifie être rejeté, être seul, quand on passe à côté de vous avec mépris et parfois même avec haine. Il s’est penché sur le blessé et a fait ce qu’il a pu pour le soulager de sa souffrance, il l’a emmené en un lieu de repos : et tout cela, il l’a fait à sa charge. Non seulement il a payé les frais d’auberge pour le blessé, mais il a donné son temps, ses soins et son cœur. Il a payé de tous les moyens possibles, tous ceux que nous déployons lorsque nous accordons du temps à ceux qui nous entourent.

Nous avons passé toute une matinée en présence de Dieu Lui-même, dans le lieu où Il séjourne : nous avons entendu Sa voix nous parler de l’amour : nous avons déclaré que nous croyons en ce Dieu qui est l’Amour même, en Dieu qui a donné Son Fils Unique afin que chacun de nous, - non pas nous collectivement mais chacun de nous personnellement – puisse recevoir le salut. Nous allons sortir de cette église : durant la semaine ou jusqu’à notre prochaine venue dans cette église nous allons rencontrer beaucoup de personnes. Serons-nous pour elles comme le prêtre ? Ou comme le Lévite ? Est-ce que nous allons partir en méditant à ce que nous avons appris ici, en gardant dans le cœur l’émerveillement et la joie, mais en passant à côté de chacun de ceux que nous rencontrerons parce que ces menus soucis pourraient troubler notre tranquillité, détourner notre intelligence et notre cœur du miracle de la rencontre avec Dieu, avec Sa présence ? Si nous faisons cela, c’est que nous pas compris grand-chose (pour peu que nous ayons compris quelque chose) de l’Evangile, du Christ et de Dieu. Et si, comme le jeune homme, comme le lettré, nous demandons : « Mais qui est mon prochain ? Qui est celui pour lequel je dois être prêt à me séparer des mouvements les plus profonds de mon cœur, avec mes méditations les plus élevées, avec mes sentiments les plus hauts ? » - la réponse du Christ est simple et directe : « Chacun ! » Chaque personne qui a besoin de toi, à n’importe quel niveau : le niveau le plus simple de la nourriture ou du sang, de l’attention et de la délicatesse, de la sollicitude, de la bienveillance.

Si un beau jour (ce jour peut ne jamais arriver mais il peut aussi arriver à n’importe quel moment) il nous est exigé davantage, nous devons être prêts à aimer notre prochain comme nous l’enseigne le Christ : en étant prêts à donner notre vie pour lui. « Donner sa vie » ne signifie pas mourir. Il s’agit de donner jour après jour notre sollicitude à tous ceux qui en ont besoin : à ceux qui sont dans la tristesse et ont besoin d’être consolés, à ceux qui sont perdus et ont besoin de réconfort et de soutien, à ceux qui sont affamés et ont besoin de nourriture, à ceux qui sont nus et ont besoin de vêtements, et à ceux qui sont dans un brouillard spirituel et ont peut-être besoin d’une parole s’écoulant de la foi que nous puisons ici et qui constitue toute notre vie.

En sortant d’ici, souvenons-nous de cette parabole non pas comme de l’une de ces magnifiques paroles que le Christ a dites mais comme d’une voie directe qu’Il nous conseille d’emprunter. Elle nous enseigne comment nous conduire les uns envers les autres, comment regarder autour de nous avec des yeux attentifs, en nous souvenant que souvent un seul geste, une seule parole, une seule marque d’attention peut transformer la vie d’une personne qui fait face à sa propre vie dans la solitude. Que Dieu nous aide à être comme le Samaritain miséricordieux à tous les niveaux et envers tous les hommes. Amen !

Mgr Antoine (Bloom) de Souroge

29 novembre 1987

 

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