Du Jugement dernier. 35e dimanche après la Pentecôte.

Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.

Aujourd’hui, nous commé

morons le Jugement Dernier du Seigneur ; qu’y a-t-il de terrifiant dans ce jugement ? Allons-nous être châtiés ? Non ! Dans un certain sens, le châtiment nous soulage du poids de notre péché ; celui qui est châtié sent qu’il paye sa dette et qu’il s’en libère.

Ce qui est terrifiant dans ce jugement, c’est qu’au moment où nous serons devant le Dieu Vivant, il sera trop tard pour changer quoi que ce soit dans notre vie : nous découvrirons à quel point nous avons vécu vainement, et que, derrière nous et en nous, il n’y a que vanité et vie insensée. Tout le sens de la vie était que nous aimions de façon vivante, active, non pas avec des sentiments, mais avec des actes. Aimer comme l’a dit le Christ : celui qui aime doit donner sa vie pour ceux qui ont besoin de son amour - non pas pour ceux qui lui sont chers, mais pour son prochain, celui qui a besoin de lui… Soudain, nous découvrons que nous sommes passés à côté de tout cela. Nous avions la possibilité d’aimer Dieu, d’aimer notre prochain, de nous aimer nous-mêmes, c'est-à-dire nous traiter nous-même avec respect, voir en nous-mêmes la grandeur de l’image divine, toute la grandeur de notre vocation à devenir participants à la nature divine (2 Pierre 1, 4), – et nous sommes passés à côté de tout cela, parce qu’il était plus facile de végéter que de vivre ; il était plus facile d’exister sans vivre.

Que se passerait-il si l’un d’entre nous, en rentrant à la maison, retrouvait la personne qu'il aime le plus au monde assassinée? Quel terrible moment que celui où la personne aurait enfin compris ce qu’est l’amour, et qu’il était trop tard, qu’il ne pourrait plus donner d’amour à cette personne à qui la vie a été enlevée… Comment le vivrions-nous ?

Lorsque nous serons devant le Christ, ne verrons-nous pas que nous sommes responsables de Sa crucifixion par toute notre vie, par le fait que nous avons vécu notre vie indignement et de nous et de Lui et de notre prochain ? Nous verrons que l’assassin n’est pas celui qui a fui notre maison, l’assassin, c’est nous-mêmes !

Comment pourrons-nous nous tenir devant le Christ ? La question n’est pas dans le châtiment, mais dans l’horreur de nous-même. Nous avons le temps. Le Christ nous dit que le jugement sera sans miséricorde pour ceux qui n’ont pas manifesté de miséricorde, qu’il serait vain de dire que nous aimons Dieu si nous n’aimons pas notre prochain, que ce serait un mensonge. Il nous dit aujourd’hui en quoi consiste l’amour du prochain, cet amour qui parviendra jusqu’à Lui ; parce que servir la personne aimée, l’autre, c’est Le réjouir, Le servir !

Réfléchissons ! Nous avons le repentir, c'est-à-dire la conversion, depuis la terre vers le ciel, la transformation du cœur et de l’esprit, et cette conversion dépend de notre volonté et de notre fermeté. Saint Sérafim de Sarov disait qu’entre un pécheur en péril et un saint qui a trouvé le salut, la différence ne consiste qu’en une seule chose : la fermeté. En avons-nous ? Sommes-nous prêts à agir avec fermeté ?

Autre chose : dans une semaine, nous nous réunirons pour l’office du pardon ; nous demanderons et donnerons notre pardon. Mais demander pardon sans apporter les fruits du repentir n’a pas de sens ; en restant tels que nous sommes aujourd’hui, demander pardon pour ce que nous avons été hier n’a pas de sens ! Il nous faut repenser notre vie, nous-mêmes - en quoi nous sommes coupables devant chaque personne -, décider de changer cela et demander pardon ; non pas pour être libérés du passé mais afin de nous lier à nouveau, de commencer à nouveau notre vie, dans une nouvelle relation avec les autres, avec ceux que nous avons humilié, offensés, volés spirituellement, etc.

Lorsque nous accorderons notre pardon, faisons-le de façon responsable. Repensons notre vie en nous posant la question : que se passerait-il si aujourd’hui, nous devions nous tenir devant Dieu et constater que nous sommes vains, que nous avons vécu de façon vaine et insensée ? Et que se passerait-il si désormais, nous tenant devant Dieu dans cette vanité, nous regardions autour de nous et voyions que notre salut dépend de ceux qui sont prêts à nous pardonner, et de ce que nous sommes prêts à leur pardonner, et que ni eux ni nous n’en sont capables ?

Méditons à cela parce que ce n’est pas une question de sermon, de lecture d’Evangile, mais de vie ou de mort : choisissons le chemin de la vie ! Amen !

Mgr Antoine (Bloom) de Souroge

10 février 1991

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